En 2023, un projet de détection précoce de plantes aquatiques exotiques envahissantes (PAEE) a été mené sur différents lacs de la région. Le projet ciblait plus spécifiquement le myriophylle à épis (Myriophyllum spicatum) puisque ses impacts sur l’environnement, l’économie et les activités de plaisances sont particulièrement sévères et, si on attend, irréversibles. Heureusement, aucune observation de myriophylle n’a été faite en 2023. Cependant, nous avons détecté une autre espèce aquatique exotique envahissante qui menace présentement la Marina de Saint-Henri-de-Taillon ainsi que le petit-marais de Saint-Gédéon : Il s’agit de l’hydrocharide grenouillette (Hydrocharis morsus-ranae). [1]
Sachez les reconnaître !
L’hydrocharide grenouillette
Originaire d’Europe, cette espèce se trouve aujourd’hui dans de nombreux plans d’eau du Québec. Les feuilles de l’hydrocharide grenouillette flottent comme les nénuphars, mais sont plus petites. On la reconnait également par sa petite fleur blanche, laquelle n’est visible qu’entre juin et août. Elle préfère les eaux stagnantes, peu profondes, chaudes et riches en éléments nutritifs. Elle se propage par boutons bulbeux qui, une fois mûrs, hivernent au fond de l’eau et donnent une nouvelle plante au printemps.
Feuilles en forme de cœur de 2 à 5 cm.
Fleur à 3 pétales blancs et au cœur jaune.
Le myriophylle à épis
Originaire d’Asie, il a été répertorié dans plus de 200 plans d’eau au Québec. Absent de la région du Saguenay Lac-Saint-Jean, le myriophylle à épis se propage rapidement par fragmentation de la tige. Les fragments sont transportés par le courant, les embarcations, les remorques et peuvent même s’accrocher aux cannes à pêche. La plante produit des pousses qui peuvent persister tout l’hiver, ce qui lui permet de débuter sa croissance tôt en saison et monopoliser toute la lumière disponible dans la colonne d’eau.
* Si vous apercevez ces espèces, signalez-les sur le site du gouvernement : SENTINELLE
Tapis dense de myriophylle à épis
L’origine des plantes aquatiques exotiques envahissantes (PAEE)
Ces végétaux ont d’abord été déplacés de leur lieu d’origine vers un nouvel environnement aquatique, c’est pourquoi on les qualifie d’exotiques. Ces déplacements se produisent généralement involontairement, transportés par l’eau à bord des embarcations ou par la contamination des remorques ou de l’équipement nautique par des fragments de PAEE (ligne de pêche, remorque, VFI, etc.). La présence d’une rampe de mise à l’eau est identifiée comme l’un des principaux indicateurs de la présence du myriophylle à épis dans un lac.[2]
On considère une espèce comme envahissante lorsque sa prolifération devient une menace pour l’environnement, la santé, l’économie, l’agriculture et les loisirs. Leur prolifération excessive est due à leur capacité de reproduction supérieure à celle des espèces locales et/ou à leur forte adaptabilité pour exploiter au maximum les ressources disponibles (lumière, espace et nutriments).[3]
Le saviez-vous : Certains lacs de la région ont mis à la disponibilité des usagers des stations de lavage d’embarcations afin de prévenir l’introduction de nouvelles espèces. C’est le cas du lac Labrecque, de la ville de Lac-Bouchette, du lac Kénogami ainsi qu’au lac Otis à Saint-Félix-d’Otis : Consulter la carte interactive
Impacts des PAEE
L’environnement subit les impacts des plantes aquatiques exotiques envahissantes, car ces espèces ont tendance à former des tapis denses à la surface de l’eau, obstruant la lumière et entravant la photosynthèse des plantes indigènes. Ces herbiers aquatiques peuvent réduire la quantité d’oxygène dissous. La perte de l’habitat initial peut nuire à la survie des espèces indigènes et altérer la biodiversité.
Le secteur du récréotourisme peut aussi subir des pertes importantes. Les tapis denses de végétaux compromettent la libre circulation des embarcations, rendant les activités nautiques et de pêche impraticables.
Sur le plan économique, les coûts associés à la gestion et à l’élimination de ces plantes sont considérables. Les espèces envahissantes occasionnent chaque année des pertes de revenus et des dépenses de lutte s’élevant à plusieurs milliards de dollars. De plus, avec le risque d’introduction d’autres espèces dans le pays, ces coûts sont susceptibles d’augmenter davantage.[4] Certaines études ont montré que la présence de myriophylle à épis peut réduire la valeur des propriétés riveraines de 1 à 16 %. [5]
Quand l’envahissement devient possible
Lorsqu’elles sont introduites dans de nouveaux environnements, ces espèces peuvent proliférer rapidement, menant au déplacement des espèces indigènes (les espèces locales du Québec). Les plantes locales ont alors de la difficulté à compétitionner pour les ressources, car les plantes aquatiques exotiques envahissantes disposent de nombreux atouts : gigantisme, émission de substances toxiques pour les autres plantes, forte capacité de bouturage et graines nombreuses. Elles empêchent nos espèces de se reproduire et de se disperser normalement, ce qui peut même aller à causer leur extinction.
Les PAEE qui s’implante particulièrement bien au Québec sont les espèces provenant d’un pays qui a un climat similaire au notre. Elles ont l’avantage de ne pas trouver leur prédateur d’origine comme les herbivores, les champignons et les microbes qui les consommaient. En effet, leurs adversaires ne les suivent pas lors de leur déplacement, et par instinct, les herbivores aquatiques consomment uniquement ce qui leur est familier.[6]
Avec les changements climatiques, les plantes indigènes qui ont évolué dans un climat froid seront éventuellement désavantagées dans leur propre milieu face aux PAEE qui peuvent provenir d’environnements plus chauds. Ces espèces menacent la biodiversité, car l’introduction d’une seule PAEE est suffisante pour compromettre l’habitat et perturber tous les organismes qui y vivent. [7]
ENSEMBLE, STOPPONS LA PROPAGATION !
La lutte contre l’introduction de plantes aquatiques exotiques est donc cruciale pour préserver la santé des écosystèmes aquatiques et maintenir l’équilibre écologique. Le meilleur moyen pour éviter la propagation des PAEE dans votre région est le nettoyage adéquat de son embarcation. Vider l’eau des ballasts et porter une attention particulière aux coques, remorques, accessoires de pêche et même les plus petites embarcations tels les kayaks, canoés et les planches à pagaie !
Un nettoyage adéquat devrait comprendre les étapes suivantes :
- Inspecter visuellement afin de voir si des résidus de plantes ou d’animaux se seraient fixés sur l’embarcation ;
- Nettoyer avec une machine à pression à l’eau chaude ou, si vous ne disposez pas de ce genre d’équipement, avec une dilution de vinaigre ou d’eau de Javel (dilution à 10 %) et une bonne brosse ;
- Vider tous les résidus d’eau qui pourraient être conservés à l’intérieur de l’embarcation ;
- Répéter le processus, surtout lorsque vous changez de rampe de mise à l’eau.
Pour plus d’informations sur les espèces exotiques envahissantes : https://www.obvlacstjean.org/informations-et-outils/especes-exotiques-envahissantes-activites_recreatives/
[1] Giusti B. Robin C. et Tremblay R. 2023, Projet de détection des PAEE dans les lacs jugés prioritaires au SLSJ, Rapport final, 12 p. [En ligne] : https://www.creddsaglac.com/wp-content/uploads/2024/03/rapport-detection-paee_2023_cr_vf.pdf
[2] Tamayo, M. et Olden, J. D. 2014. Forecasting the vulnerability of lakes to aquatic plant invasions. Invasive Plant Science and Management, 7: 32–45.
[3] MELCCFP. 2024, [En ligne] : https://www.environnement.gouv.qc.ca/biodiversite/especes-exotiques-envahissantes/index.asp
[4] MPO, 2024 [En ligne] : https://www.dfo-mpo.gc.ca/species-especes/publications/ais-eae/plan/index-fra.html
[5] Zhang, C. et Boyle, K. J. 2010. The effect of an aquatic invasive species (Eurasian watermilfoil) on lakefront property values. Ecological Economics, 70: 394–404.
[6] LAVOIE, C. 2019, 50 plantes envahissantes, protéger la nature et l’agriculture. Les publications du Québec.
[7] OURANOS. 2024 [En ligne] : https://www.ouranos.ca/fr/ecosystemes-impacts